Les heures étaient passées très vite pour Abdul et Alger, qui étaient de garde.
Le soleil se levant au loin était un spectacle merveilleux. Les premières lueurs de l'aube avaient très vite baigné le port du bateau.
Du moins, c'était comme ça que cela devait se passer.
"Pourquoi sommes-nous dans l'obscurité alors que le soleil est visible au loin ?" se questionna Alger en se frottant le menton.
Normalement, les lueurs du soleil auraient dû éclairer tout sur leur passage, mais un phénomène étrange les obstruait chaque fois qu'elles essayaient d'atteindre le navire.
Résultat : une obscurité profonde entourait le navire sur plus d'un kilomètre à la ronde.
"C'est ce piaf, n'est-ce pas ?" demanda Abdul en se délectant de ce phénomène presque impossible à vivre.
Il semblerait que l'oiseau tueur de lumière n'ait pas reçu son surnom simplement à cause de ses ailes.
"C'est le seul suspect actuellement", répondit naturellement Alger. Il avait encore assez de lucidité pour reconnaître que cette manifestation d'obscurité était due à l'oiseau.
Mais comment fait-il ça ? pensa Alger. C'était la première fois qu'il voyait un animal posséder un tel pouvoir fantastique. Il avait pensé à un Fruit du Démon, mais il rejeta vite cette idée en se remémorant que cet oiseau faisait partie d'une espèce, et que ce n'était pas un cas isolé.
"Dans tous les cas, nous allons bientôt arriver à destination, semblerait-il", déclara Abdul en se relevant de la balustrade. Après plus de cinq heures, ils sentirent qu'ils commençaient à pénétrer les nuages. Quelque chose qu'ils auraient dû faire depuis longtemps si ce n'était pour l'oiseau, qui semblait avoir une destination bien précise.
"Je me demande où il nous amène", dit Abdul.
"Qu'importe où il nous amène, c'est l'heure de mettre en place le plan", lui répondit Alger en se frottant l'arrière de la tête avant d'avancer vers les cabines pour réveiller Alexander et le reste de l'équipage.
Réveillant rapidement Crocus et Delilah, Alger continua vers la chambre personnelle d'Alexander et, sans prendre la peine de toquer, y entra.
Connaissant Alexander, Alger avait besoin de laisser infiltrer la lumière de l'aube pour le réveiller—
"Il n'y a pas de lumière !" L'expression d'Alger se figea soudainement quand il se rappela que, très certainement à cause de l'oiseau tueur de lumière, il n'y avait pas de rayons de soleil pouvant réveiller Alexander.
"Voyons ce qu'il y a ici qui pourrait aider." Reprenant rapidement de son acuité, Alger inspecta la chambre pour essayer de trouver tout ce qui pourrait l'aider.
La chambre était de taille moyenne, avec une armoire à vêtements, un lit, un bureau et une douche personnelle munie d'un bain.
C'était le luxe.
Mais tout était en désordre, pensa Alger en voyant le bureau rempli de feuilles éparpillées, de journaux à moitié entrouverts et d'avis de recherche aléatoires.
Au sol, des trésors en tout genre qu'il avait trouvés sur l'île sans nom étaient clairsemés à même le sol, comme si leur valeur n'en valait finalement pas la peine.
Cela allait des bijoux en diamant aux épées fantasques.
Un beau désordre, pensa Alger, en trouvant cela quand même étrangement esthétique.
"Qu'est-ce qu'il se passe, Alger ?" demanda soudainement Alexander en grognant, clairement pas encore réveillé de son sommeil, à en juger par ses yeux fermés et sa bouche qui laissait traîner une légère ligne de bave même en s'adressant à Alger.
On dirait que je n'aurai pas besoin de le réveiller finalement, pensa Alger en se sentant satisfait du déroulé des événements.
"C'est l'heure. L'oiseau va bientôt percer le ciel et arriver là où il nous jettera inévitablement", déclara Alger, en dramatisant pour attirer l'attention d'Alexander — chose qui sembla fonctionner, car il ouvrit grand les yeux et s'essuya la bave de la bouche avant de sourire.
"Enfin !" dit-il, avant de se lever de son lit très rapidement, comme s'il ne dormait pas il y a un instant.
Enfilant ses sandales, il se vêtit d'une chemise d'un blanc immaculé, vierge de toute saleté, avant de sortir de la pièce à grande vitesse en laissant derrière lui Alger.
"Quelle fougue !" pensa Alger en refermant la porte derrière lui, en sortant de la chambre d'Alexander avant de le suivre pour lui faire part du plan.
…
Arrivant sur le port, Alexander ne trouva pas la lumière qui devait normalement être présente avec le soleil, mais juste une pénombre artificielle qu'il n'arrivait pas à pleinement comprendre.
Le soleil était haut et puissant dans le ciel au loin, mais il n'arrivait pas à éclairer cette zone. C'était un un événement qui semblait être tiré tout droit du cerveau d'un enfant mais pourtant cela semblait si naturel qu'Alexander ne fit aucun commentaires calomnieux devant cet art, finalement.
"C'est certainement à cause de l'oiseau", déclara Alger. Et, en voyant l'expression confuse d'Alexander, il continua : "On pense que c'est l'un de ses pouvoirs fantasques. La magie de Grand Line, je suppose."
"Le tueur de lumière, n'est-ce pas ? Il mérite amplement ce nom si cela vient de lui", dit Alexander en essayant de "toucher" l'ombre que l'oiseau avait fait planer autour d'eux.
"Alors je suppose que t'as un plan ? Ou quelque chose du style ?" demanda Alexander en fronçant les sourcils de frustration, en échouant à attraper les ombres. Elles semblaient glisser entre ses doigts, comme si elles existaient mais en même temps n'existaient pas.
Bizarre, pensa Alexander.
"C'est un plan assez grotesque, mais il n'y a pas mieux dans notre situation", s'exclama Alger avant de sourire légèrement et de dire d'un ton très calme : "On va t'attacher au navire, et si l'oiseau fait des gestes suspects, tu lui sautes dessus. Qu'est-ce que t'en penses ?"
"Quel plan de merde", dit Alexander en souriant sans aucun filtre. Un plan si merdique qu'il en avait même surpris Alexander.
"C'est ce que je pensais aussi", répondit Alger en souriant. C'était vraiment tout ce qu'ils avaient pensé ces dernières heures, lui et Abdul.
C'était un plan suicidaire, mais c'était un pari.
Un pari ridicule, mais il était obligé de le faire.
Car chacun de ses autres plans allait être voué à l'échec, car l'oiseau tueur de lumière les remarquerait très vite, et peut-être même qu'il s'enfuirait, les laissant dans ce ciel avant de les voir inexorablement chuter et s'écraser. Il n'y avait que celui-là où le risque d'échec était minime.
"Et comment dois-je attraper un oiseau en vol, surtout de cette manière ?" demanda Alexander en fronçant les sourcils.
"Eh bien tu—"
Alger allait répondre, mais soudainement, il sentit des petites gouttes sur son visage.
Il resta figé quelques instants dans la stupeur de la situation, avant que son regard ne brille de netteté. Il s'élança vers la balustrade où une grande corde attachée l'attendait.
Il la prit rapidement avant de la lancer vers Alexander et de lui dire d'un ton urgent : "Attache-toi avec ! Et dès que tu vois l'oiseau agir bizarrement, attrape-le et attache ça à son cou."
Un plan absurde et grotesque, mais il n'avait pas le choix. C'était ça ou ne rien faire.
Se positionnant de sorte à être le plus efficace possible, Alexander attendit une seule erreur de l'oiseau pour lui sauter dessus.
Pendant ce temps, les autres étaient arrivés sur le port et attendaient.
Les minutes filèrent très rapidement.
Et enfin, ils avaient passé la couche de nuages. Observant leur environnement, ils se rendirent compte que les ombres cachant le soleil avaient complètement disparu, ne laissant qu'une étendue infinie de nuages secouant à perte de vue.
"Il a disparu", s'exclama soudainement Alexander en fronçant les sourcils. Malgré leur arrivée en haut dans le ciel, il n'avait jamais quitté l'oiseau des yeux, et pourtant il arriva quand même à le perdre de vue.
"Nous tenons quand même sur ce 'nuage' ? Enfin, si on peut encore l'appeler ainsi", déclara Alger en souriant, très excité de découvrir une nouvelle mer.
Car oui, il considérait ces nuages comme une mer.
Une mer qui était certainement exclusive à certains êtres courageux, et il en faisait partie.
"C'est quand même bizarre", dit Alexander en remontant sur le navire avec l'aide de Delilah, qui avait pris la corde.
La question de la disparition de l'oiseau tueur de lumière planer encore dans son esprit mais il décida de passer à autre chose.
Ce n'est qu'un Piaf au pouvoir cool, pensa Alexander en fronçant les sourcils.
"Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ?" demanda Delilah. Arrivée en haut et en sécurité, éloignée de tout danger, du moins pour l'instant, elle ne savait plus trop comment s'orienter. Mais bon, ce n'est pas sa profession de toute façon, pensa-t-elle.
Alger sourit très légèrement avec confiance en voyant son log pose, qui avait enfin repris sa fonction normale et pointait vers l'Est.
Il fallait en vérité juste monter assez haut pour que le log pose puisse s'orienter efficacement, pensa Alger. Tout cela était dans les hypothèses d'Alger, et cela a été confirmé.
"En suivant le log pose, évidemment", déclara Alger en montrant le log pose.
"Il arrive à pointer vers une direction même ici dans le ciel ?! Comment cela se fait-il ?" demandèrent Abdul et Delilah simultanément, tous deux surpris de cette fonction.
"Comment vous dire ? Eh bien, c'est tout simplement la magie de Grand Line, chers coéquipiers", dit Alger en agissant théâtralement, tout en regardant Crocus intensément, qui lui rendit un sourire heureux lui aussi.
"Alors on y va ou non ?" demanda Delilah, qui commençait à s'ennuyait de son comportement exagéré.
"Hissons les voiles et c'est parti !" rugit Alexander en ne perdant pas de temps, le tout en se tenant à la proue du navire.
Très rapidement, ils déplièrent les voiles, les laissant pendre sur leurs attaches. Elles prirent rapidement le vent, et le navire, forcé par les voiles, se mit à avancer très rapidement.
Les minutes passèrent.
Les heures suivirent.
Et les jours s'emboîtèrent les uns aux autres.
Ce n'est que huit jours plus tard, qu'ils, dans leur désespoir de trouver quelque chose d'autre que ces animaux bizarres qui n'habitaient que cette mer cacher loins des regards, virent autre chose qu'une étendue infinie de nuages.
Alexander, muni d'une longue-vue qu'il avait perquisitionnée à Alger, vit une énorme structure en forme de porte étoilée au loin.
"Bingo !" s'écria Alexander. Cela faisait plus de huit jours qu'ils naviguaient sans savoir s'ils allaient trouver une île. Leur joie d'être arrivés ici sains et saufs s'était vite évanouie avec le temps.
Mais maintenant qu'il voyait la structure au loin, Alexander était plus qu'heureux.
Il s'en alla vite prévenir les autres, qui étaient dans le même état d'ennui que lui.
À commencer par le navigateur, Alger.