Un silence pesant s'installa. Esme le regarda longuement avant de croiser les bras, déterminée.
— Pourquoi pas, Ander ? Je te rappelle que lorsque mon père et Demetri sont morts, et que moi et Dominique étions portés disparus, c'est toi qui as dirigé le royaume. Avec l'aide de la reine Isa, certes, mais c'est toi qui prenais les décisions.
Elle marqua une pause, le fixant avec intensité.
— Et même après mon couronnement, c'est comme si nous régnions ensemble. Tu prenais parfois des décisions à ma place, sans même attendre mon accord.
Ander détourna le regard, silencieux, le visage impassible.
— En vérité, dit-elle, ce n'est pas le fait de diriger qui te fait peur. Tu lui en veux encore, n'est-ce pas ? À ton père…
Un souffle rauque échappa à Ander, et il hocha doucement la tête.
— C'est juste que... je n'arrive pas à croire qu'il soit derrière tout ça… II a attenté à ta vie, attaqué le royaume..., et a même failli tuer son propre fils, Esme…C'est... beaucoup à encaisser.
Elle posa une main sur la sienne, la serrant avec tendresse.
— Pourras-tu lui pardonner un jour ?
Ander ferma les yeux, puis les rouvrit lentement.
— Je te mentirais si je disais que je lui pardonne… mais je crois que j'ai besoin de temps.
Esme soupira.
— Je sais que c'est difficile. Mais s'il te plaît, essaye. Il voit ses erreurs maintenant… Je n'ose imaginer la culpabilité qu'il ressent, en sachant qu'il a failli tuer son propre fils.
Ander tressaillit à ces mots, mais resta de marbre. Après un silence, il se tourna vers elle.
— Quand comptes-tu rentrer ?
— Demain.
Il prit un air boudeur, croisant les bras.
— Alors comme ça, tu veux vraiment être loin de moi...
Esme éclata de rire, secouant la tête.
— Tu sais bien que non. Mais je dois rassurer le peuple… Et je ne veux pas accoucher sur la route. Mieux vaut que je rentre au plus vite. Et dès que tu auras terminé ici, tu viendras nous rejoindre. D'accord ? Parce que je veux t'avoir à mes côtés ce jour-là.
Ander approcha son visage du sien, et l'embrassa avec amour. Puis, collant son front contre le sien, il murmura :
— Je te promets d'être là pour la naissance de notre enfant. Mais… personne n'est encore au courant de…
— Non, répondit Esme. Il n'y a que toi et moi qui savons la vérité.
— Et Emmett. Et Nya.
— Quoi ? Tu leur as dit ?
— Non, mais ils ont des soupçons. Ce sont eux qui m'ont permis de faire le lien avec la nuit de la caverne, en me questionnant sur ce que nous avions fait pendant une période… qui coïncide avec ta grossesse.
— Une vraie interrogation, donc ? dit-elle avec un sourire amusé.
— Exactement. Quand ils ont remarqué certaines incohérences avec la soirée où nous sommes allés à la taverne, tout s'est éclairé. C'est là que j'ai compris… et que j'avais besoin de te demander des comptes. Mais avec tout ce qui s'est passé, on n'a jamais eu l'occasion d'en reparler. Et je pense que je ne leur dirai rien. Ils resteront avec leurs soupçons… La vérité éclatera bien assez tôt, le jour de l'accouchement.
Esme rit doucement.
— Je me demande quelles têtes feront les autres lorsqu'ils découvriront que c'était toi… le père, depuis le début.
Ils rirent ensemble, un éclat de bonheur simple, éphémère, suspendu entre deux tempêtes.