Aria fronça les sourcils.
— Explique-toi.
Edgard ferma brièvement les yeux, comme s'il rassemblait ses dernières forces.
— J'ai toujours voulu voir les autres rois se prosterner devant moi. J'avais même imaginé y parvenir en enlevant un mage puissant…
Aria sentit un frisson lui parcourir l'échine.
— Ne me dis pas que…
Edgard hocha faiblement la tête.
— Oui… l'enlèvement du frère jumeau de la reine Esme n'était pas le seul. J'ai aussi fait enlever le fils du roi de Stregon.
Aria recula d'un pas, le souffle coupé.
— Comment as-tu pu… ?! Tu te rends compte de ce que tu as fait ?!
— Oui… et je le regrette amèrement, murmura Edgard.
Aria se passa une main sur le visage, tentant de contenir sa colère.
— Où est-il ?!
Edgard secoua lentement la tête.
— Je ne sais pas.
Aria écarquilla les yeux, stupéfaite.
— Comment ça, tu ne sais pas ?!
— Lorsque mes soldats fuyaient avec le prince en otage, ils ont été poursuivis par les troupes de Stregon. Pendant la course-poursuite… le soldat qui le détenait l'a perdu.
— Quoi ?!
— Nous ignorons ce qu'il est advenu de lui.
Un long silence s'installa. Aria se mit à faire les cent pas dans la pièce, tentant d'assimiler l'information. Puis, soudain, elle s'arrêta net.
— Où l'ont-ils perdu ?
— Dans la forêt sombre de l'est.
Aria sentit un frisson glacial parcourir son échine. La forêt sombre de l'est… Là où Ander avait été retrouvé.
Son cœur se mit à battre plus vite alors que les pièces du puzzle s'assemblaient dans son esprit.
Ander… il a lui aussi été découvert dans cette forêt. Et lui aussi… c'est un mage.
Un vertige la prit. C'était trop de coïncidences. Ander n'avait jamais su d'où il venait, il n'avait aucun souvenir de sa vie avant cette forêt. Il avait été retrouvé seul, blessé, avec des vêtements en lambeaux… mais ces vêtements, même abîmés, portaient des traces évidentes d'un tissu fin, de broderies délicates, typiques des habits portés par des nobles ou des familles riches.
Aria porta une main tremblante à sa bouche.
Ça ne peut être que lui…
Elle se rapprocha précipitamment du lit et attrapa la main de son père.
— Jure-le-moi. Jure-moi que tu ne me mens pas.
Edgard plongea son regard dans celui de sa fille.
— Je te le jure.
Aria resta un instant sans voix, puis un sourire ironique étira ses lèvres.
— Qui aurait cru… que Ander était en réalité le prince perdu de Stregon ?
Mais son amusement fut de courte durée.
Edgard se mit à tousser violemment, du sang s'écoulant de ses lèvres.
— Non ! s'écria Aria, paniquée.
Elle se tourna vers la porte et cria aux gardes :
— Allez chercher un médecin ! Vite !
Puis elle revint précipitamment vers Edgard, lui prenant la main.
— Tiens bon, d'accord ? Le docteur va arriver.
Mais Edgard lui adressa un regard fatigué et murmura :
— Ça ne sert à rien… Je vais mourir.
— Ne dis pas ça ! protesta Aria, les larmes aux yeux.
Edgard lui serra faiblement la main.
— S'il te plaît… dis à Esme et à Ander que je leur demande pardon. Et aussi à Emmett…
Aria sursauta.
— Tu connais la vérité sur Emmett ?!
Un léger sourire apparut sur le visage du roi.
— Je l'ai reconnu immédiatement. Il a le même regard qu'Edmund…
Puis son regard se reposa sur Aria. Il serra sa main un peu plus fort.
— Trouveras-tu une place… dans ton cœur… pour me pardonner ?
Les larmes coulèrent sur les joues d'Aria.
— Je te pardonne… papa.
Un sourire apaisé illumina le visage du roi.
— Tu n'imagines pas… combien j'attendais d'entendre ça…
Puis, dans un dernier souffle, sa main retomba.
Le silence s'abattit sur la pièce.
Aria éclata en sanglots.
Lorsque Greg entra avec le médecin, ce dernier vérifia le pouls d'Edgard, puis secoua lentement la tête.
Greg s'approcha d'Aria et, sans un mot, la prit dans ses bras pour la réconforter.