Esme se releva précipitamment et se jeta dans les bras d'Ander, laissant échapper un sanglot de soulagement. Sentir sa chaleur et sa présence bien portante lui enleva un poids immense du cœur. Après quelques instants, elle s'écarta légèrement et le regarda avec un mélange d'émotion et de reproche.
— Mais qu'est-ce que tu fais ici ? Maya t'avait prescrit du repos ! s'exclama-t-elle, inquiète.
Ander lui adressa un sourire rassurant.
— Ne t'en fais pas, Esme. Ma blessure est complètement guérie. Si tu en doutes, tu peux toujours demander à Emmett… ou bien, je peux me déshabiller et te le prouver, ajouta-t-il avec un clin d'œil provocateur.
Esme sentit instantanément la chaleur lui monter aux joues et détourna le regard.
— Ce… ce ne sera pas nécessaire, balbutia-t-elle.
Ander éclata de rire face à sa gêne, mais son regard s'adoucit.
— Et toi, comment vas-tu ?
— Maintenant que je sais que tu es en pleine forme… je vais bien aussi, répondit-elle sincèrement.
— Ravi de l'entendre, dit-il avec un sourire en coin. Et si nous parlions maintenant des choses sérieuses ?
Esme fronça les sourcils, intriguée.
— De quoi veux-tu parler ?
— De l'identité du père de ton enfant.
À ces mots, Esme leva immédiatement les yeux au ciel, exaspérée.
— Et moi qui croyais que tu allais respecter ma décision, soupira-t-elle. Mais je vois que non ! Dis-moi, c'est Emmett qui t'a donné l'idée d'un chantage émotionnel pour me faire parler ? Parce que c'est raté !
Ander conserva son sourire amusé.
— Pas du tout, répondit-il d'un ton détendu. D'ailleurs, je connais déjà son identité.
Esme écarquilla les yeux sous le choc, mais se ressaisit rapidement. Elle croisa les bras et le défia du regard.
— Oh, vraiment ? Alors dis-moi… qui est-ce ?
Ander la fixa droit dans les yeux avant de lâcher, imperturbable :
— Moi.
Un silence pesa lourdement dans la pièce. Puis, contre toute attente, Esme éclata de rire.
— Je vois qu'à force qu'Adam te harcèle sur ce sujet, tu as fini par y croire toi aussi ! rit-elle, incrédule.
Ander, lui, ne riait pas. Il la regardait avec ce même sourire énigmatique qui lui donnait toujours l'impression qu'il en savait bien plus qu'il ne laissait paraître.
— Ander, j'espère que tu te souviens très bien que cette fameuse nuit, il ne s'est rien passé entre nous, n'est-ce pas ? demanda-t-elle, plus sérieuse.
— Bien sûr, répondit-il calmement.
Esme haussa un sourcil, surprise par sa réponse.
— Alors, qu'est-ce qui te fait penser ça ? La seule fois où toi et moi avons été dans une situation qui aurait pu… mener à ça, c'était cette nuit-là. Mais il ne s'est rien passé. Alors, pourquoi cette conviction soudaine ?
Le sourire d'Ander s'élargit légèrement. Il s'approcha lentement d'elle et s'allongea sur le lit à ses côtés, posant son visage sur ses coudes pour la fixer intensément.
— Es-tu sûre qu'il n'y a eu que cette nuit-là ? demanda-t-il d'un ton suave.
Un frisson parcourut Esme. Troublée, elle fronça les sourcils.
— Qu'est-ce que tu insinues ?
Ander se redressa et opta pour une position assise. Il croisa les bras et la regarda avec un air de défi.
— Et si nous parlions de la nuit de la taverne ? Parce que, vois-tu, je ne me souviens de rien.
Le sang d'Esme ne fit qu'un tour. Elle sentit son cœur rater un battement.
— Après le défi des Bankers, nous sommes rentrés au château… bredouilla-t-elle.
— Et c'est tout ?
Esme hésita.
— Bien sûr que c'est tout, répondit-elle, mal assurée.
— Vraiment ?
Elle ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit.
Ander s'appuya contre le mur, les bras croisés.
— Il y a une chose qui me tracasse, reprit-il. Je suis rentré au château, certes. Je me suis réveillé dans ma chambre, d'accord. Mais je ne me souviens pas m'être déshabillé. Tu peux m'expliquer ça ?
Esme blêmit.
— Et surtout… si je fais le calcul… la nuit de la taverne coïncide parfaitement avec le début de ta grossesse.
Le visage d'Esme perdit toute couleur.
— C'est… c'est une coïncidence, murmura-t-elle.
— Esme !
Ander perdit soudain son air amusé. Il se leva du lit, visiblement agacé.
— Une coïncidence, hein ? Alors explique-moi pourquoi ton enfant est un mage et possède les mêmes pouvoirs que moi.
Le souffle d'Esme se coupa.
— Qu… quoi ?
— Tu as bien entendu.
Il marqua une pause avant de continuer.
— Lorsque j'ai figé le temps, tout le monde aurait dû s'arrêter de bouger… y compris toi. Et pourtant, tu as continué à bouger.
Esme ne savait plus quoi dire.
— Maya m'a toujours dit que mes pouvoirs du temps ne peuvent être inefficaces que face à deux types de personnes : quelqu'un qui possède le même pouvoir que moi… ou quelqu'un d'extrêmement puissant. Or, tu n'es pas une mage.
Il se tourna vers elle, son regard brûlant de certitude.
— Ce qui signifie que l'enfant que tu portes en est un. Et qu'à travers votre lien, il t'a permis de résister à mon pouvoir.
Esme baissa la tête. Elle était découverte.
— Je suis désolée… murmura-t-elle.
— Désolée ? répliqua Ander, sa voix vibrante de reproche. Tu comptais me le cacher encore combien de temps ?
Elle serra les poings.
— Je ne voulais pas te forcer la main, avoua-t-elle. Ce qui s'est passé cette nuit-là… c'était sous l'effet du vin.
Ander répéta, incrédule :
— Me forcer la main ?
Esme inspira profondément avant de relever les yeux vers lui.
— Je ne voulais pas que tu restes avec moi juste à cause de cet enfant… alors que tu en aimes une autre.
Ander cligna des yeux, surpris.
— De quoi tu parles ?
— J'ai remarqué que tu passais beaucoup de temps avec Rivia… Et une nuit, je vous ai vus dans le jardin. Vous vous enlaciez.
Ander soupira et se passa une main sur le visage.
— Je vois que Nya n'est pas la seule à tirer des conclusions hâtives…
Esme resta silencieuse, le regard baissé.
— Rivia est comme une petite sœur pour moi, Esme. C'est tout.
Elle eut un sourire amer.
— Tout comme moi, n'est-ce pas ?
Ander s'approcha lentement d'elle. Il posa une main sous son menton et releva doucement son visage.
— Si seulement c'était aussi simple… murmura-t-il.